Réunis à Londres, les ministres des Finances de 7 grandes puissances économiques mondiales sont parvenus samedi à un accord de principe sur une réforme fiscale visant à instaurer un impôt minimum mondial « d’au moins 15% » sur les bénéfices des sociétés.
Cette avancée majeure, négociée depuis des années sur la base de travaux de l’OCDE, et soutenue fortement par la France, vise plus particulièrement les multinationales, dont les grandes entreprises de la technologie (Google, Apple, Amazon, Facebook…), qui pratiquent une optimisation fiscale active leur permettant d’échapper largement à l’impôt sur les sociétés.
Cette initiative pourrait permettre de lever plusieurs centaines de milliards de dollars, qui seraient bienvenus pour contribuer au redressement de l’économie mondiale ébranlée par le coronavirus. D’autant que cette crise a particulièrement bénéficié aux comptes des géants de la « tech » mondiale, dont les services et produits ont connu une explosion de la demande.
L’accord a été rendu possible par le changement de présidence aux Etats-Unis qui a permis de relancer activement le dossier depuis le début de l’année. Le nouveau président américain, Joe Biden, avait proposé initialement une taxation de 21%, avant de se prononcer pour un minimum de 15%.
Bruno Le Maire salue un « accord sur la taxation internationale du 21ème siècle »
Les grandes puissances du G7 (Royaume-Uni, France, Italie Canada, Japon, Allemagne, Etats-Unis) vont désormais poursuivre leurs travaux au niveau de l’OCDE (impliquant 138 pays), en vue de parvenir à une réforme mondiale de l’impôt sur les sociétés. Un accord plus concret est attendu pour la réunion du G20 en juillet, à Venise.
Le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, s’est félicité samedi de cet « accord sur la taxation internationale du 21ème siècle ». Dans une vidéo diffusée sur Twitter, il a ajouté que « la France peut être fière » de cette étape, qui doit permettre notamment une « juste taxation des géants du digital » et une « taxation minimale à l’impôt sur les sociétés, pour éviter l’évasion et l’optimisation fiscale qui révoltent à juste titre nos compatriotes« .
La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, s’est pour sa part félicitée d’un « engagement sans précédent » des ministres du G7. Le taux minimum d’impôt sur les sociétés « mettra fin au nivellement par le bas de la fiscalité des entreprises« , a-t-elle jugé.
Un mécanisme visant à empêcher l’évasion fiscale
L’accord prévoit un mécanisme afin d’éviter l’évasion fiscale des multinationales : « nous nous engageons à parvenir à une solution équitable sur la répartition des droits d’imposition, les pays du marché se voyant attribuer des droits d’imposition sur au moins 20% des bénéfices dépassant une marge de 10% pour les entreprises multinationales les plus grandes et les plus rentables », selon le communiqué commun du G7 Finances.
Concrètement, la part des profits dépassant la marge de 10% sera « réaffectée, puis soumise à l’impôt, dans les pays où ils réalisent des ventes », a expliqué le chancelier de l’Echiquier britannique, Rishi Sunak. L’objectif est ainsi d’éviter l’évasion fiscale des grandes entreprises et de « relever les défis fiscaux découlant de la mondialisation et de la numérisation de l’économie ».
Les GAFA prennent acte de l’accord
Certains estiment cependant que le G7 n’est pas allé assez loin. L’ONG Oxfam, notamment, a qualifié l’accord de « compromis au rabais », jugeant que « le taux retenu de 15% est tout simplement trop bas » et dénonçant le « manque d’ambition » des pays européens. Bruno Le Maire a souligné que le taux de 15% n’est qu’un « point de départ » de futures négociations pour le revoir à la hausse. De son côté, Attac France a aussi jugé le taux de 15% trop bas et l’assiette de calcul encore trop floue.
Du côté des « Gafa », Google a réagi en affirmant soutenir « fortement le travail en cours […] Nous espérons que les pays continueront à travailler conjointement, pour garantir qu’un accord équilibré et durable sera finalisé sous peu« .
Facebook s’est aussi félicité « des progrès importants réalisés au G7« . Le responsable des affaires publiques du réseau social américain, Nick Clegg, a affirmé que « nous voulons que le processus de réforme fiscale internationale réussisse, et nous reconnaissons que cela pourrait signifier que Facebook paiera plus d’impôts, à différents endroits« .