Honda et Nissan ont ouvert des négociations pour renforcer leurs liens, ont dit mercredi deux sources, et discutent notamment d’une éventuelle fusion, alors que les deux constructeurs automobiles japonais font face à une concurrence accrue à l’échelle mondiale de la part des constructeurs de véhicules électriques.
Une éventuelle fusion de Honda et Nissan créerait une entreprise de 54 milliards de dollars (51,41 milliards d’euros) avec une production annuelle de 7,4 millions de véhicules, ce qui en ferait le troisième groupe automobile mondial en termes de ventes de véhicules, après Toyota et Volkswagen.
Ces discussions, d’abord rapportées par le journal Nikkei, permettraient à Honda et Nissan, actuellement deuxième et troisième constructeurs automobiles japonais respectivement, de coopérer davantage en matière de technologie et de rivaliser avec Toyota, premier constructeur nippon.
Selon les sources, les discussions ont porté sur les moyens de renforcer la collaboration entre les entreprises et ont abordé la possibilité de créer une holding.
L’idée d’une fusion a également été avancée, selon l’une des sources, ainsi que les moyens de coopérer avec Mitsubishi, dont Nissan est le principal actionnaire avec une participation de 24%.
Honda, Nissan et Mitsubishi ont dit qu’aucun accord n’avait été annoncé, même si Nissan a souligné que les trois constructeurs avaient dit par le passé considérer des opportunités pour de futures collaborations.
Les trois constructeurs japonais devraient tenir une conférence de presse commune à Tokyo lundi prochain, selon une source au fait du dossier.
Le groupe Renault, principal actionnaire de Nissan, s’est dit ouvert sur le principe à un rapprochement et examinera toutes les conséquences d’une telle opération, ont dit deux sources proches du dossier.
Un porte-parole du groupe français n’a pas souhaité faire de commentaires.
A la Bourse de Paris, l’action du constructeur français grimpait mercredi de 6,7% vers 14h45 GMT.
Selon les analystes d’Oddo BHF, des liens renforcés entre Nissan et Honda serait une nouvelle relativement positive pour Renault, qui pourrait éventuellement trouver dans un projet de fusion un acheteur potentiel pour une part importante de sa participation restante dans Nissan ou au moins un scénario de sortie partielle.
« Dans une moindre mesure et d’un point de vue industriel, Honda pourrait éventuellement devenir un nouveau (petit) client pour la division Ampère [de Renault, NDLR] (comme Nissan et Mitsubishi) en Europe« , signalent-ils.
UN PAYSAGE EN MUTATION
Une telle opération, si elle venait à voir le jour, pourrait devenir la plus importante dans le secteur automobile depuis la fusion à 52 milliards de dollars entre Fiat Chrysler et PSA qui a donné naissance à Stellantis en 2021.
Nissan et Honda ont déjà conclu un partenariat stratégique en mars pour coopérer dans le développement de véhicules électriques face à la concurrence de constructeurs chinois comme BYD, un rapprochement qui s’est confirmé en août avec un accord sur le développement conjoint de batteries et d’autres technologies.
Les deux groupes font face à une perte de parts de marché en Chine, où ont été réalisées en novembre près de 70% des ventes mondiales de véhicules électriques.
Les difficultés financières et stratégiques croissantes de Nissan au cours des derniers mois ont toutefois rendu plus urgente une coopération renforcée avec son grand rival.
Nissan a annoncé en novembre un plan d’économies de 2,6 milliards de dollars qui prévoit notamment la suppression de 9.000 emplois et de 20% de sa capacité de production mondiale, alors que le groupe est confronté à une baisse des ventes en Chine et aux États-Unis qui a entraîné un recul de 85% de ses bénéfices au deuxième trimestre.
« Cet accord semble davantage viser à renflouer Nissan, mais Honda lui-même ne se repose pas sur ses lauriers« , a déclaré Sanshiro Fukao, membre exécutif de l’Institut de recherche Itochu. « Le flux de trésorerie de Honda devrait se détériorer l’année prochaine et ses véhicules électriques ne marchent pas très bien« , a-t-il ajouté.
« À moyen et long terme, c’est une bonne chose pour l’industrie automobile japonaise, car cela crée un deuxième axe contre Toyota« , a déclaré Seiji Sugiura, analyste chez Tokai Tokyo Intelligence Laboratory.
L’action Nissan a fini en hausse de près de 24% mercredi à la Bourse de Tokyo, tandis que le titre Honda a baissé de 3%.
L’action Mitsubishi s’est quant à elle envolée de près de 20%.
LE FACTEUR TRUMP
Toute fusion ferait l’objet d’un examen approfondi aux États-Unis alors que le président élu Donald Trump s’est engagé à adopter une ligne dure à l’égard des véhicules importés, notamment en menaçant d’imposer des droits de douane de 25% sur les voitures expédiées du Canada et du Mexique.
Il pourrait notamment demander des concessions à Honda et à Nissan pour approuver tout accord, ont déclaré des responsables de l’industrie automobile.
Honda et Nissan produisent tous deux des voitures au Mexique destinées au marché américain.
La société taïwanaise Foxconn, qui fabrique les iPhones d’Apple et cherche à développer son activité de fabrication sous contrat de véhicules électriques, a par ailleurs approché Nissan au sujet d’une offre, mais celle-ci a été rejetée par l’entreprise japonaise, ont déclaré deux sources distinctes au fait de l’affaire.
L’agence Bloomberg avait rapporté plus tôt dans la journée que Foxconn avait approché Nissan pour prendre une participation majoritaire.
Foxconn n’a pas répondu immédiatement à une demande de commentaire. Un porte-parole de Nissan s’est refusé à tout commentaire sur Foxconn.
Source : Reuters